Les mesures naturelles de rétention d’eau ou "mesures éponge" : travailler avec la nature pour mieux gérer l’eau

Publié le 21/10/25

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Découvrez l'interview de Benoît Fribourg-Blanc, Expert OiEau

Les SFN, MNRE, mesures éponges : quésaco ?

Un contexte hydrologique sous pression

Dans un contexte de dérèglement climatique, la gestion de l’eau est un enjeu central. D’un côté, les épisodes de sécheresse deviennent plus fréquents et plus intenses, mettant à mal les milieux naturels et les usages domestiques, industriels & agricoles et la qualité de vie. De l’autre, les événements pluvieux extrêmes se multiplient, causant inondations et dégradations des sols, destruction d’infrastructures et mise en danger des biens et des personnes.

Face à ces défis, les solutions techniques traditionnelles ont montré leurs limites. En effet, l’approche consistant à canaliser, drainer ou rejeter rapidement l’eau dans les cours d’eau pour se protéger des excès a contribué à aggraver les déséquilibres hydrologiques, en empêchant l’eau de soutenir les écosystèmes ou de s’infiltrer et de recharger les nappes.

Définition : que sont les MNRE ?

C’est dans ce contexte que les mesures naturelles de rétention d’eau (MNRE) ou "mesures éponge" s’imposent comme une alternative ou un complément pertinent aux infrastructures grises classiques. Ces mesures consistent à restaurer ou renforcer les processus naturels du cycle de l’eau, en s’appuyant sur les fonctions des sols, de la végétation, des cours d’eau et des zones humides. Il s’agit de redonner sa place à la nature pour qu’elle joue à nouveau son rôle de régulateur hydraulique.

Concrètement, les MNRE visent à retenir l’eau là où elle tombe notamment en favorisant son infiltration dans le sol et son utilisation par les végétaux, à ralentir son écoulement, et à la stocker temporairement dans le paysage, pour finalement améliorer la résilience globale des territoires.

Des solutions variées selon les milieux

Les solutions sont multiples, et varient selon les contextes ruraux, urbains ou naturels, même si de nombreuses solutions, notamment de désimperméabilisation ou de recours à la végétation, peuvent s’appliquer partout.

En milieu agricole, on peut par exemple mettre en œuvre des pratiques telles que l’agroforesterie, le maintien ou la plantation de haies, l’introduction de bandes enherbées ou encore le recours à des techniques culturales conservatrices. Toutes ces actions contribuent à améliorer la structure du sol, à limiter l’érosion et à augmenter la capacité de rétention en eau des parcelles.

Dans les milieux humides et fluviaux, les MNRE peuvent consister à restaurer des tourbières, reconnecter des zones d’expansion des crues, ou renaturer des tronçons de rivières qui avaient été détournés ou canalisés. Ces interventions permettent non seulement de réduire les crues en aval, mais aussi de reconstituer des habitats naturels riches en biodiversité.

En ville, les principes sont similaires, mais adaptés au contexte urbain : toitures végétalisées, noues paysagères, jardins ou arbres de pluie, et plus largement, la désimperméabilisation des surfaces. Ainsi, l’objectif est d’éviter le ruissellement de l’eau immédiat vers les égouts ou les rivières, et de favoriser son absorption ou son utilisation par la végétation là où elle tombe.

Des bénéfices multiples et durables

D’un point de vue hydrologique, les bénéfices de ces mesures sont nombreux : elles contribuent à diminuer les pics de crue, à réduire l’érosion, à recharger les nappes phréatiques et à soutenir les étiages.

 Mais au-delà de la seule gestion de l’eau, elles offrent des co-bénéfices majeurs : amélioration de la qualité de l’eau par filtration naturelle, création d’habitats pour la faune et la flore, ou encore amélioration du cadre de vie.

Un exemple concret : l’OiEau participe au projet Spongeworks

Le projet SpongeWorks (2024‑2028), financé par le programme Horizon Europe, constitue un exemple illustratif de mise en œuvre à grande échelle des mesures naturelles de rétention d’eau.

L’ambition de SpongeWorks est de renforcer la capacité des sols, des eaux de surface et des nappes à retenir et libérer l’eau progressivement comme une éponge, afin d’accroître la résilience face aux crues et aux sécheresses.

Ce projet prévoit des démonstrateurs dans trois bassins européens : la Lèze en France, le Pénée en Grèce, et la Vecht entre les Pays‑Bas et l’Allemagne.

L’Office International de l’Eau, conjointement avec le Syndicat Mixte Interdépartemental de la Vallée de la Lèze (SMIVAL), pilote les actions dans le bassin de la Lèze. Il s’agit de mettre en œuvre un grand nombre de « mesures éponge » et de suivre les effets sur la qualité des sols et de l'eau.

L’OiEau assure également l’animation d’une plateforme de connaissances sur les mesures et les paysages éponge — pour partager les retours d’expériences, capitaliser les méthodologies, modéliser les impacts des mesures, et faciliter le passage à l’échelle européenne.

Par ailleurs, l’OiEau organise des ateliers de concertation (avec agriculteurs, collectivités locales, scientifiques) afin de garantir l’appropriation sociale des mesures, sensibiliser, et assurer le suivi notamment de la qualité des sols et de l’eau.

Le projet vise, à terme, à expérimenter environ 19 mesures éponge sur 4 000 hectares de terres et 47 km de cours d’eau, ce qui donne une idée de l’ampleur de la démarche.

Perspectives et leviers de développement

Les perspectives pour les MNRE sont prometteuses. De plus en plus d’acteurs du monde de l’eau reconnaissent leur utilité, notamment dans le cadre des politiques d’adaptation au changement climatique. Des financements dédiés se développent, comme ceux de la Politique agricole commune ou du Green Deal européen. La recherche scientifique s’intéresse aussi de plus près à ces dispositifs, afin de mieux quantifier leurs effets, leurs limites, et leur performance sur le long terme.

Des obstacles encore à lever

Mais des défis subsistent. L’acceptabilité sociale et économique n’est pas toujours acquise, notamment lorsqu’il s’agit de modifier des pratiques établies ou d’intervenir sur des terrains privés. Les effets des MNRE peuvent aussi être difficiles à mesurer à court terme, et peuvent varier dans le temps, ce qui complique parfois leur valorisation. Enfin, leur mise en œuvre requiert souvent une coordination entre de multiples acteurs, à l’échelle de bassins-versants, ce qui nécessite des outils de gouvernance adaptés.



Les mesures naturelles de rétention d’eau constituent une approche intelligente, systémique et résiliente de la gestion de l’eau. Plutôt que de lutter contre les éléments, elles nous invitent à composer avec eux, en redonnant à la nature la possibilité de jouer son rôle de régulateur.

Quelques exemples de projets en lien avec les mesures éponge

SpongeWorks - Co-création et Développement de Paysages Éponges par l'Utilisation de Mesures Naturelles de Rétention de l'Eau et de Gestion Durable
Europe - Pays-Bas, Allemagne, Grèce, France, Autriche, Royaume-Uni - Bassins versants de la Lèze (France), du Pénée (Grèce), de la Vecht (Pays-Bas et Allemagne)
Septembre 2024 - Août 2028
Union Européenne
Découvrir le projet
SpongeScapes - Evidence and Solutions for improving SPONGE Functioning at LandSCAPE Scale in European Catchments for increased Resilience of Communities against Hydrometeorological Extreme Events
EUROPE - Allemagne, France, Grèce, Italie, Pays-Bas, Pologne, Royaume-Uni, Slovénie
Octobre 2023 - Octobre 2027
Union Européenne
Découvrir le projet
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