Partenariat AFD : 3 Questions à Lionel Goujon, Responsable division Eau & Assainissement
A l'occasion de la signature d'un accord de partenariat entre l'Agence Française de Développement (AFD) et l'OiEau visant à dynamiser 7 bassins versants africains pour une meilleure gestion de l'eau, nous avons posé 3 questions à Lionel Goujon, Responsable de la division Eau & Assainissement de l'AFD.
Démarrant en janvier 2023 pour une durée de 3 ans, ce projet a objectif principal de favoriser une adaptation efficiente et pérenne aux effets du changement climatique.
L'OiEau assurera la gestion globale du projet, tout en apportant une assistance technique et institutionnelle aux Organismes de Bassin transfrontaliers (OBT), afin de renforcer leurs capacités en matière de gestion intégrée des ressources en eau.
Pourquoi l'AFD a-t-elle décidé de financer ce projet de dynamisation des Organismes de bassin transfrontaliers (OBT) africains et de gestion transfrontalière des ressources en eau ? A quels enjeux politiques, économiques et environnementaux a-t-il pour ambition de répondre ?
Les organismes de bassin transfrontaliers sont des acteurs que l’AFD appuie de longue date, depuis une quinzaine d’années environ. L’OiEau est souvent un partenaire de ces appuis que nous apportons aux OBT. A travers chacun de ces appuis, nous essayons de procéder au partage et à la convergence d’expériences entre les différents projets.
Cette fois-ci, l’idée a été d’avoir une approche un petit peu différente : en partant de cette démarche coordonnée entre OBT, nous mettons l’OiEau au cœur du dispositif en tant que bénéficiaire de la subvention. L’OiEau va traiter un certain nombre de sujets, notamment la redynamisation des bassins car nous constatons que malgré tous ces efforts d’appui aux OBT, ils restent des structures encore assez faibles dans leur gouvernance.
Il y a un réel besoin de réactiver notre coopération mais aussi leur dynamisme sur des sujets tels que le recours à des innovations avec l’imagerie satellitaire par exemple, pour le suivi de l’altimétrie des cours d’eau et de leur débit.
Il y aussi eu un momentum avec la Team Europe Initiative (TEI), cette initiative lancée par l’Union européenne pour mobiliser les différents acteurs européens autour d’initiatives phares.
Nous avons réussi à porter une TEI sur la gestion des eaux transfrontalières, dans laquelle s'inscrit notre coopération avec l’OiEau. Ce projet, ce nouveau financement constituera un point d’application et une contribution au nom de la France, à cette initiative européenne.
Les aspects financiers sont explicitement une des composantes du projet. La faiblesse des OBT est parfois liée à leur gouvernance, parfois à leur organisation mais aussi beaucoup au fait qu’ils ont une fragilité financière. Ils sont finalement assez peu nombreux à avoir réussi à mettre en place des systèmes de financement par des redevances ou des taxes qui puissent leur assurer une autonomie et de la visibilité dans leurs trajectoires de développement.
C’est donc à ce titre, une composante importante de cet appui. On peut d’ailleurs citer la Commission Internationale du bassin Congo-Oubangui-Sangha (CICOS) qui est un des OBT que l’AFD appuie depuis longtemps et que l’OiEau connait bien aussi. La CICOS n’est pas l’un des OBT bénéficiaires au cœur de ce projet, parce que c’est finalement aujourd’hui le seul à avoir des mécanismes un peu avancés et satisfaisants sur le financement de leur OB.
Ce projet comprend également une composante qui devrait permettre d’approfondir et de proposer des initiatives qui ciblent le sujet de la préservation de la biodiversité notamment, sur des zones humides particulières et sur des têtes de bassin, qui ont été identifiées comme des espaces plus fragiles. Nous visons à mettre en place des modèles pour trouver de bons mécanismes pour agir concrètement sur ces sujets.
Pourquoi l'AFD a-t-elle fait appel à l'OiEau pour la gestion et l'assistance technique de ce projet ?
L’OiEau, notamment sur les sujets de gestion des eaux transfrontalières, est l’acteur français de référence à l’international, en tant qu’opérateur. Au fil des années, il a tissé des liens de confiance partenariaux avec la majorité des organismes de bassin transfrontaliers (OBT) d’Afrique francophone. C’était donc pour l'AFD, un partenaire naturel.
Cet appui à l’OiEau, et non directement aux OBT, même s'ils en sont bien sur les bénéficiaires finaux, va permettre à l’OiEau d’aller chercher de nouveaux partenaires potentiels, y compris en Afrique anglophone, pour porter une vision française de la gestion par bassin.
L'AFD et l'OiEau se sont investis dans le groupe de travail hydrologie spatiale SWOT, depuis 2014. Les bassins des fleuves Congo et Niger, impliqués dans ce projet de coopération, ont déjà pu bénéficier, en tant que bassins pilotes, du développement d’applications hydrologiques basées sur les données spatiales. Quelles opportunités l’hydrologie spatiale offre-t-elle ? Comment cet outil innovant sera-t-il utilisé dans le cadre de ce projet ?
Ce groupe est né en 2014. Le travail qui a été mené depuis 7 ans est selon moi très intéressant.
L’AFD est impliquée car nous appuyons des organismes qui sont parmi les premiers bénéficiaires et utilisateurs de ces données nouvelles et plus précises que l’on essaie d’obtenir à travers ce nouveau satellite SWOT.
Nous espérons donc jouer un rôle de courroie de transmission entre des technologies françaises innovantes, et des organismes africains plus éloignés, qui ne sont pas toujours à la pointe de la technologie, mais pour lesquels ces technologies ont un intérêt.
En effet, elles permettent de faire un saut important car ce sont des bassins où l’accès aux têtes de bassin est souvent complexe. Donc, tout ce qui est de la mesure à distance est essentiel. Ce sont des sujets que l’on appuie depuis plus d’une décennie, notamment avec l’avènement de la communication sans fil et mobile. Cette dernière a joué un rôle déterminant dans la transmission des données qui étaient des données captées localement.
Nous essayons ici de s’affranchir de la contrainte du terrain par des images satellites et donc on y perçoit un potentiel important. En effet, on peut constater que finalement les réseaux de mesure africains depuis 50 ou 60 ans sont plutôt dégradés, à défaut de se renforcer, comme cela a pu être le cas dans certaines parties du monde. Ils sont plutôt moins efficients que ce l’on avait connu parce que leur entretien demande des ressources, une organisation et une accessibilité qui n’est pas toujours garantie y compris parfois pour des raisons de sécurité.
Cette redynamisation de la connaissance de la donnée représente également un point essentiel à nos yeux. On ne peut prendre des décisions politiques pertinentes s’il n’y a pas en amont une connaissance de la donnée, sur la ressource ou ses usages.
Pour l’AFD, cet appui est un facteur essentiel pour la bonne gestion des OBT.