Dessalement en France : la contribution de l’OiEau au rapport IGEDD sur ses potentiels et limites

Publié le 28/11/25

Dans le cadre de la publication du rapport de l’Inspection générale de l’environnement et du développement durable (IGEDD) consacré aux potentiels et limites du dessalement en France, l’OiEau a été sollicité pour contribuer aux travaux préparatoires. Yaniss Farkhani, Chargé d’Etudes et de Formation, répond à nos questions pour présenter le contexte de cette collaboration, les apports techniques de l’OiEau et les principales conclusions du rapport.

Dans quel cadre s’est inscrite cette réflexion sur le dessalement ?

Y.F. : La démarche a été initiée par le ministère chargé de la Transition écologique, qui préparait un rapport d’état des connaissances sur le dessalement. Un attaché du ministère nous a contactés pour recueillir des éléments techniques et un retour d’expérience, notamment parce que l’OiEau propose plusieurs formations dédiées à l’osmose inverse, aux procédés membranaires et au dessalement d’eau de mer.

Dès les premiers échanges, le cadre s’est révélé très ouvert : pas d’orientation précise, mais une volonté de comprendre globalement les technologies membranaires et leurs usages possibles. Le périmètre de l’étude était large, puisqu’il couvrait à la fois le dessalement d’eau de mer, le traitement d’eaux très minéralisées ou saumâtres, la réutilisation des eaux usées, l’adoucissement ou encore la réduction de micropolluants.

Le rapport visait à rester accessible, qu’il s’agisse d’élus, de services techniques de collectivités, d’industriels ou encore d’agriculteurs. L’objectif premier était de fournir un état des lieux clair et impartial pour éclairer la stratégie nationale dans un contexte où la pression sur la ressource en eau se renforce, en particulier dans certains territoires comme la Vendée ou les Outre-mer.

Les équipes mandatées ne disposaient pas, au départ, d’une expertise technique approfondie, mais avaient pour mission de produire rapidement un rapport stratégique capable d’éclairer les décideurs publics et leur permettre d’anticiper. Le ministère attendait donc du groupe de travail qu’il lui apporte des éléments de compréhension fondamentaux : fonctionnement des procédés d’osmose, différences entre dessalement d’eau de mer et traitement d’eaux fortement minéralisées, retours d’expérience français et internationaux, enjeux énergétiques, environnementaux et réglementaires.

Il s’agissait également de disposer d’un éclairage concret sur les limites et conditions de déploiement du dessalement. Enfin, le ministère souhaitait pouvoir identifier les leviers d’action et les points de vigilance nécessaires à la construction d’une position française cohérente, tenant compte des objectifs de sobriété, de la REUT et des autres solutions disponibles.

Quelle diversité de profils a été réunie au sein de ce groupe de travail ?

Le groupe de travail piloté par l’IGEDD a volontairement rassemblé une très grande diversité d’acteurs, afin de croiser les approches techniques, institutionnelles, opérationnelles et scientifiques. Entre novembre 2024 et l’été 2025, plus de 160 personnes ont été auditionnées, représentant l’ensemble de l’écosystème de l’eau.

On y retrouvait des services de l’État, des agences de l’eau, des collectivités et syndicats gestionnaires de l’eau potable, des industriels de la production et du traitement de l’eau, des bureaux d’études, des exploitants d’unités membranaires, des chercheurs et universitaires, mais aussi des experts issus des territoires d’outre-mer, où le dessalement est déjà largement pratiqué. Cette diversité a permis de confronter les visions stratégiques aux réalités techniques du terrain, tout en intégrant les retours d’expérience internationaux, notamment grâce aux visites réalisées, comme celle de l’usine de Barcelone.

L’OiEau a fait partie des premiers organismes consultés, en raison de son rôle de formateur et de sa capacité à apporter une synthèse pédagogique des enjeux membranaires avant que le ministère n’approfondisse ses investigations avec d’autres spécialistes.

Quel a été le rôle de l’OiEau au sein du groupe de travail ?

Deux représentants de l’OiEau ont été sollicités : moi-même pour les aspects techniques liés au dessalement et aux membranes, et M. Éric Tardieu, Directeur Général, pour les dimensions de gouvernance, de stratégie et de décision publique. Notre contribution a essentiellement porté sur la clarification des procédés et sur la mise en avant des limites actuelles du développement du dessalement en France.

Un point a rapidement émergé comme central : la question du devenir du concentrat rejeté par les unités d’osmose inverse. C’est un sujet sur lequel nous avons apporté une expertise spécifique, appuyée sur différents retours d’expérience. Nous avons également aidé à distinguer les différents types de dessalement, car les enjeux et les contraintes ne sont pas les mêmes selon qu’il s’agit d’eau de mer ou d’eaux fortement minéralisées à l’intérieur des terres.

Au-delà de l’aspect technologique, nous avons rappelé l’étude de l’impact sur l’environnement et les difficultés réglementaires existantes. Les autorisations environnementales pour le rejet de saumures sont aujourd’hui très limitées et rien n’est réellement prévu pour les flux fortement chargés issus du dessalement. Cette absence de cadre constitue un frein majeur qui doit être traité si la France souhaite envisager un développement maîtrisé de ces solutions.

Quels sont les principaux points techniques mis en avant par l’OiEau ?

Le premier point concerne donc la gestion du concentrat. Aujourd’hui, la technologie du dessalement est bien connue, mais la manière de traiter ou de rejeter en toute sécurité le flux concentré reste très mal encadrée. Nous avons insisté sur les impacts potentiels, les quantités concernées, les contraintes environnementales et les besoins d’évolution réglementaire.

Le second point porte sur la contrainte énergétique. Le dessalement d’eau de mer est très consommateur d’énergie, ce qui pose un vrai défi dans un contexte où la demande électrique va déjà fortement augmenter, que ce soit pour la mobilité ou pour la construction de nouveaux réacteurs nucléaires. C’est pour cette raison que le rapport encourage, avant tout, la réutilisation des eaux usées traitées et le traitement des eaux saumâtres, moins énergivores et plus réalistes à court terme.

Nous avons également attiré l’attention sur les performances réelles des systèmes membranaires. Les rendements actuels (souvent autour de 80 à 85 %) diffèrent sensiblement de ceux attendus pour les usines d’eau potable classiques. Si la France envisage d’intégrer ces technologies, il faudra adapter les exigences réglementaires afin de tenir compte des spécificités du membranaire.

Enfin, nous avons souligné l’importance des retours d’expérience des territoires ultramarins, où l’osmose inverse est utilisée depuis longtemps. Ces compétences accumulées gagneraient à être davantage valorisées au niveau national, car les Outre-mer constituent un laboratoire grandeur nature des problématiques liées à la prise d’eau de mer, à la corrosion, à la gestion des risques climatiques et à l’exploitation continue d’unités membranaires.

Quelles formations de l’OiEau intègrent déjà ces enjeux ?

L’OiEau propose actuellement deux formations directement liées au dessalement. La première, la formation SB021, est spécifiquement consacrée au dessalement d’eau de mer. Elle aborde l’ensemble de la chaîne, depuis le captage (y compris les techniques de forage marin) jusqu’au traitement des rejets, en passant par les prétraitements, la mise en œuvre de l’osmose inverse et la qualité finale de l’eau produite.

La seconde, la formation SN037, traite de manière plus large des procédés membranaires. Elle couvre l’osmose basse pression, la réutilisation des eaux usées, le traitement d’eaux saumâtres et les bases du dessalement d’eau de mer. Son public est plus diversifié, puisqu’elle s’adresse aussi bien à des acteurs industriels qu’à des professionnels de l’eau potable ou de l’assainissement.

Une troisième formation, dédiée plus spécifiquement à la réutilisation des eaux usées (REUT), est en réflexion et pourrait intégrer à terme des travaux pratiques. Plusieurs équipes de l’OiEau y travaillent déjà.

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Quelques exemples de formations

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Réf : SB021

Dessalement de l'eau de mer et des eaux saumâtres par osmose inverse

2 jours

Distanciel

1084 € HT

par participant

Prochaine session le 03/06/2026

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Réf : SN041

Exploitation des usines de production d’eau de process – Niveau 2 : adoucissement et osmose inverse

4 jours

Présentiel

La Souterraine

2000 € HT

par participant

Prochaine session le 15/06/2026

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Réf : SN037

Osmose inverse

3 jours

Présentiel

La Souterraine

1500 € HT

par participant

Prochaine session le 24/03/2026

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