Living lab à l'OiEau : l'innovation au service de l'assainissement - le projet REISAR
Les plateformes pédagogiques de réseaux enterrés du Centre de Formation de l’OiEau ont été mises à la disposition du projet REISAR (Système Robotisé Avancé pour l’Inspection des Réseaux d’Assainissement et la Préservation de l’Eau) dont l’objectif est la création d’un robot ultra innovant en matière de motricité, d’auto-localisation et de numérisation d’environnements parfois dangereux, à destination des professionnels de l’eau et de l’assainissement
Ainsi, fin septembre, des tests en conditions simulées optimales ont pu être réalisés sur le site OiEau de La Souterraine, par les chercheurs et industriels du consortium portant cette initiative financée par« France 2030 », plan d’investissement national notamment en faveur du développement de technologies de pointe, et du soutien à la transition écologique.
Comment atteindre les réseaux difficilement accessibles par GPS extérieur et intérieur ? Comment cartographier les réseaux les plus complexes avec un niveau de précision jamais atteint ? Comment contribuer à une maintenance optimisée de ces infrastructures essentielles à l’acheminement sécurisé des eaux usées vers une station d’épuration ? Comment venir en soutien à la sécurité des acteurs de terrain ? ... Autant de questions auxquelles les parties prenantes du projet REISAR, et les formateurs de l’OiEau spécialistes de l’assainissement, souhaitent répondre en conjuguant leurs expertises complémentaires.
Développé et financé dans le cadre « France 2030 », ce projet robotique inclut le transfert de briques technologiques, de la recherche, vers les industriels. Il se déroulera en deux phases. La 1re phase, opérée jusqu'à fin 2026, sera assurée par les chercheurs, les spécialistes en robotique et en géolocalisation, et les formateurs de l’OiEau pour garantir une bonne adéquation avec son usage final et les métiers. La 2ème phase sera dédiée à l’industrialisation du robot et aux marchés potentiels auxquels il pourra répondre.
« Dans ce projet, nous allons sur de la preuve de concept, c'est à dire que notre système robotique doit être testé dans un environnement représentatif du système final. C’est pourquoi nous avons fait appel à l’OiEau et que nous venons dans votre Centre de Formation, sur vos plateformes pédagogiques, pour faire des tests dans des égouts propres. L'objectif est d’éprouver dès maintenant ce que nous avons produit en laboratoire, et de pas attendre la fin du projet.
Nous abordons la problématique de l'inspection des réseaux visitables ou en dessous de la limite du visitable, pour éviter d'envoyer des humains dans des endroits où des risques sanitaires, liés au gaz par exemple, existent.
Le robot créé est envoyé à l'intérieur. Il doit s'auto-géolocaliser, faire une numérisation de l'environnement en étant téléopéré de manière simple, et à longue distance, par des utilisateurs, d'où le but de faire participer les experts-formateurs de l’OiEau. Nous devons aussi faire le lien avec les besoins métiers.
Le robot fournira des données, grâce à une vue complète en 3D, qui seront ensuite analysées au regard des normes à respecter pour détecter des défauts éventuels.
On ne remplace pas du tout l'expertise humaine, dans ce volet-là. Le but est de proposer une sorte de jumeau du système et de préserver les personnels d’endroits dangereux. En effet, il est difficile de recruter dans ces domaines !
Par ailleurs, ce robot sera bien utile pour répondre à l’obligation de cartographier les réseaux et assurer des niveaux de précision entre 40 et 30 cm. Ils sont difficiles à atteindre en extérieur avec des GPS, et en intérieur c'est encore plus complexe ! Ces données permettront de cartographier les réseaux, d'identifier l’arrivée d'eaux pluviales dans des réseaux d'assainissement et des surcharges que cela entraîne au niveau des stations d'épuration. On évitera que des eaux souillées aillent directement dans la nature, ou qu'elles se déversent dans les nappes phréatiques. On pourra également optimiser les réparations.
Dans ce projet REISAR, il y a de nombreux volets scientifiques intéressants, tels que la géolocalisation, la compréhension d’environnements et le contrôle robotique en mode glissant. Les datas seront mises à la disposition de la communauté scientifique assez rapidement. Ces thématiques de recherches sont en lien avec les formations de notre école d’ingénieurs. Le but est aussi de les alimenter par ce type de projet. Ensuite, on vient adapter les contenus pédagogiques sur la base de ce que l’on fait en matière de recherche. D’où l’intérêt d'être enseignant-chercheur. » indique Vincent VAUCHEY, Responsable « Transfert et Valorisation » au sein de la Direction Recherche et Innovation de l’école d’ingénieurs CESI, structure coordinatrice principale du projet.
Une innovation majeure : un nouveau mode de propulsion du robot REISAR
De nombreux robots existent sur le marché et sont déjà beaucoup utilisés dans les secteurs industriel, naval ou militaire. Ils sont de deux types. Les robots « rover » ou engins d'exploration mobile dotés de roues pour explorer des territoires inconnus, tels que la Lune ou Mars par exemple, et les robots amphibies. Le robot REISAR conçu et développé par Pilgrim Technology sera hybride et amphibie. Il devra évoluer de manière semi-autonome. Il intégrera un mode de motricité différenciant, plusieurs sources de localisation et de perception, ainsi qu’un système de géolocalisation absolue en intérieur.
Damien MENEUX, Responsable robotique chez Pilgrim Technology, partenaire en charge de la création du robot, de son architecture et de toute la mécanique associée, nous présente son fonctionnement et les enjeux auxquels il va permettre de répondre. « Le robot REISAR, initialement appelé Amphibot, est très innovant car il est à propulsion par vis sans fin, et n’a donc par de roue. Il est fait pour aller dans des milieux tels que le sable, la boue, l'herbe et l'eau, dans des milieux aqueux. Il avance par contrainte et s'appuie donc sur son revêtement pour avancer, utilisant ainsi la matière. Il va se servir de ses vis pour avancer. Plus c'est liquide, mieux c'est, contrairement à des robots roulants habituels qui vont s'enliser. Ce robot flotte, et une fois qu'il va sur l'eau, ses vis font office de turbines, comme des hélices de bateau. Il se sert de la matière qu'on pousse. Plus ça va être horrible pour le commun des robots "rover", plus lui, va adorer !
Inspecter les réseaux d’eaux pluviales lorsqu‘il y a du courant, on sait le faire. Par contre, quand il y a une portion bouchée avec un niveau d'eau stagnante ou qu’il y a de la sédimentation ou du sable, les robots n'arrivent pas à naviguer dedans. C'est donc cela l’aspect innovant, différenciant de REISAR, par rapport aux solutions qui existent déjà.
Les tests que l’on fait à l’OiEau sont intéressants car ils se font en toute sécurité. On peut donc se concentrer dessus et faire varier le niveau d'eau, par exemple.
Autre avancée majeure : l’automatisation. Grâce à tout le savoir-faire de Pilgrim Technology, la complexité technique est maîtrisée en coulisses pour offrir une expérience d’une grande simplicité aux opérateurs. Il suffit de descendre le robot dans la canalisation, d’appuyer sur un bouton, et il s’occupe du reste. Une ou deux heures plus tard, il remonte avec un rapport complet et une quantité impressionnante de données, prêtes à être exploitées ».
La géolocalisation et la communication : deux enjeux techniques technologiques capitaux
Les volets géolocalisation et communication constituent de vrais défis technologiques que ce projet tente de relever. Une fois le robot dans un tuyau parfois situé à des profondeurs importantes et très difficile d’accès, il va forcément dériver. Le système de géolocalisation intérieure doit donc pouvoir envoyer un signal pour permettre de connaitre sa position.
Charles-Edouard BOUCART, Directeur technique de TRAAK, spécialisée dans les systèmes de géolocalisation en milieu contraint, nous explique la démarche technologique adoptée. « La difficulté principale de la géolocalisation indoor et souterraine est l’absence de signal GNSS. L’expertise de TRAAK est donc de combiner différentes briques technologiques existantes comme de l'Ultra White band par exemple, qui permettent de géolocaliser à courte distance.
Dans le projet REISAR, nous intervenons sur deux aspects : la récupération des positions précises, avec nos trackers, et la transmission de la position, grâce à la technologie LoRa qui permet de communiquer la donnée là où elle est nécessaire.
Cette combinaison de solutions technologiques est assez pointue et nécessite encore une configuration plus exhaustive pour pouvoir obtenir une position optimale du robot.
Grâce aux tests sur le site de l’OiEau, on a pu expérimenter une nouvelle pénétration de matériaux dans des souterrains. Nous avons capté des données en profondeur puis les avons émises en surface. Une telle expérimentation nous a permis de faire une batterie de tests, dont le post traitement contribuera à améliorer nos algorithmes ».
La restitution des données pour une expérience utilisateur optimale et la communication entre les robots et les opérateurs est au cœur des échanges avec la société Conscience Robotics, également membre du consortium. Cette entreprise spécialisée en IA robotique, intervient sur les volets communication LoRa et Interface Homme Machine (IHM).
Thomas Dupuis , Ingénieur en mécatronique chez Conscience Robotics, nous explique la démarche. « Pour l’IHM, on a une interface qui est commune à toutes les machines développées par nos soins ou intégrées. Nous disposons donc de cette brique technologique unique. Nous travaillons à y rajouter quelques éléments spécifiques pour le projet REISAR, et répondre à deux points clés.
Le premier, c’est l’expérience utilisateur : pouvoir positionner le robot sur une carte, le suivre en temps réel et lui envoyer des ordres simples. Durant cette mission d'exploration, on va pouvoir tracer sa position en temps réel sur la carte, voir où il se déplace et, grâce aux données transmises par LoRa, récupérer des informations sur la taille et la forme des tuyaux, par exemple, sur des anomalies, avec des positions précises. Ces tuyaux pourront ainsi apparaître sur une carte, en 3D.
Ces données seront enregistrées dans divers formats pour être utilisées par le personnel et être envoyées à des bureaux d'études pour vérifier s’il faut, ou non, faire des réparations.
Le second, c’est la communication souterraine sans-fils. Celle-ci est déjà bien avancée mais il y a encore des développements à réaliser pour permettre une récupération optimale et un meilleur échange des informations LoRa. Une amélioration des antennes permettra d’encore mieux communiquer. Nous avons encore des pertes par moment. Le but est de les limiter le plus possible.
La partie communication LoRa est vraiment très innovante. Elle sera reprise dans d'autres travaux plus tard, parce que c'est une brique très utile qui n’avait pas eu d'utilité pour nous, jusqu’à maintenant ».
Pour l’ensemble des acteurs du consortium qui illustre une collaboration d’excellence et 100% française, cette première série de tests en conditions réelles a été très concluante.
Chaque participant a pu capitaliser de nombreuses données et identifier les points d’amélioration qui lui incombent. La phase de corrections a donc démarré. Des réunions techniques régulières leur permettent d’échanger et de mutualiser leurs avancées, pour converger vers le même point, une préparation optimale de la seconde phase de tests, prévue début 2026, toujours sur les installations pédagogiques du Centre de Formation de l’OiEau.
Propos recueillis le 10 septembre 2025